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LA MACHINE À COURAGE

Je regarde deux Américains s’aborder — deux enfants, se cognent gaîment comme la balle et la raquette.


Je crois à l’avenir de l’Amérique parce que ce peuple a conscience de sa jeunesse et prend ce qu’il y a de mieux dans les autres pays.


Avril. Événement surprenant… Véral vient m’annoncer qu’il veut briser son contrat avec moi. Contrit, gêné, il explique qu’il renonce à ses grands projets et part pour l’Europe avec un businessman. « — Je regrette, dit-il, mais les événements sont plus forts que moi. » Qu’est-ce qui n’est pas plus fort que lui. Je pris le papier qui nous liait pour cinq ans et le déchirai avec empressement. C’était une première libération. Sur le seuil il me tint ce discours :

« — Je suis certain que vous aurez le succès que vous méritez, et puisque vous êtes si bonne, quand je serai loin je compte que vous m’enverrez ma part sur toutes vos affaires : » Ainsi se termina cet engagement burlesque.


Évidemment, une autre à ma place aurait su se dégager plus tôt de cette absurde et vulgaire situation. Mais le but pour moi n’est pas plus important que tout ce qui m’intéresse en route. Il faut le savoir pour admettre tous les pièges dans lesquels j’ai trébuché. Et puis, il y a bien des choses qui ne m’atteignent pas. J’ai un destin paratonnerre, il attire les grands chocs et ne sent pas les petits. Destin orgueilleux. Qu’importe si les passants dans la rue ne lèvent pas le nez assez haut pour le voir.