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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/95

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SCANDALE HEARST

où s’accrochaient des pots de colle étalaient sur les murailles une étrange composition bariolée, où s’imposait l’écarlate en forme de cœur. Deux énormes cœurs étaient là, posés l’un sur l’autre. Une flèche noire les traversait, le sang éclaboussé coulait partout et sur deux noms écrits en caractères immenses — le sien et le mien. Au-dessus de l’ignoble allégorie et du titre de mes Mémoires on avait ajouté en lettres flamboyantes : « Twenty Years of Love, without Marriage » (Vingt ans d’amour sans mariage).

Mon avocat avait omis de contrôler l’affichage… Je l’avais obsédé par la seule crainte que Maeterlinck soit sali. Le journal se vengeait des difficultés que je lui avais imposées en rejetant le scandale sur moi seule.

Longtemps je demeurai là, étouffée, possédée par l’idée qui tournoyait devant mes yeux : c’était pour ça, pour ce résultat stupide et dégoûtant, pour ça que j’avais tant souffert.

Les hommes couraient toujours, les voitures partaient, les camions emportaient les échelles et les colleurs, le flot s’écoulait continuellement, je l’imaginais dans la ville, partout, dans les rues, crachant sur ma vie. Clouée contre le mur, je crispais mes deux mains jointes, comme si elles pouvaient contenir mon désespoir…