Page:Leblanc - La Peur du vertige, paru dans Candide, 1925.djvu/31

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seul avec elle, dans l’appartement aux tapis épais, aux rideaux lourds, le bouleversait d’une âpre joie. Seul avec Marceline ! D’infranchissables cloisons se dresseraient derrière elle ! Pas de retraite possible. La proie saisie au piège… Vraiment est-ce qu’il oserait agir ?…

Le timbre du vestibule résonna, aigu et prolongé.

— Marceline… Marceline… La voici… Que vais-je faire ?

Il se contraignit à marcher lentement et à redevenir l’homme qu’il lui avait appris à connaître, aimable et souriant. Et, dès d’abord, il lui dit d’un ton dégagé :

— Je vous demande pardon. Mon domestique avait des courses…

— Mais, dit-elle, vous avez reçu ma lettre vous avertissant de notre visite aujourd’hui ?

— Oui, et je croyais que Stéphane viendrait…

— Stéphane n’est pas là ?

— Non. Il m’a téléphoné… un obstacle de service, il est retenu jusqu’à demain…

Elle fit un pas en arrière. Un élan jeta Vérange entre elle et la porte. Les mouvements de l’un et de l’autre avaient été irréfléchis et brusques. Ils se regardèrent un moment avec des yeux inquiets, comme des êtres qui épient leurs intentions secrètes.

— Qu’est-ce que vous avez ? Qu’y a-t-il ? murmura Marceline.

Il se reprit aussitôt.

— Mais rien. J’ai cru que vous alliez partir, et il me semblait que nous avions à parler…

— À propos de Stéphane ? dit-elle vivement. Il est malade ?

— Non… à propos de rien… Je me trompais…

Il s’effaça. Elle eût pu sortir, mais à condition de passer contre lui, et elle n’osait pas gardant une posture de défiance, l’air farouche, les poings crispés.

— Si vous êtes pressée, dit-il en s’éloignant de la porte, je ne voudrais pas