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Page:Leblanc - La Peur du vertige, paru dans Candide, 1925.djvu/6

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dépassé la quarantaine, et dont le visage, aux traits fins et aux tempes grisonnantes, aurait offert un type assez banal d’homme à femmes s’il n’eût été de manière très heureuse déformé par un trop vaste front. Il avait de l’élégance, de la séduction, et des yeux vifs et clairs, qui s’assombrissaient parfois, comme en cette minute, jusqu’à devenir émouvants de tristesse.

Gassereaux, plus âgé que lui de quelques années, le regardait avec attention. Quoique en apparence sceptique comme un vieux Parisien, il était le plus dévoué des amis, celui qui s’inquiète et que l’on consulte aux heures mauvaises. Vérange lui serra la main et commença aussitôt :

— Tu as connu Déjancourt, n’est-ce pas, ce bohème acteur et peintre, amusant et sympathique, qui n’a pas laissé la réputation d’un très honnête homme, et qui a eu la chance, le malheureux, de finir à l’hôpital alors que la police le recherchait ? Quand je débarquai, voilà bientôt un quart de siècle, à Paris, Déjancourt fut pour moi le plus charmant compagnon de plaisir, et souvent même d’étude. Il avait tout ce que j’aime, ou plutôt tout ce que j’ai tant aimé, le sens et la volonté du bonheur, l’amour de la femme, le goût de l’aventure… et puis une telle gaîté, une insouciance si naïve, un tel débordement