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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

une divination de l’instinct populaire, l’appellation que les circonstances l’avaient contrainte à adopter.

Et dans toutes les mansardes de Domfront, dans toutes les chaumières des environs, on s’entretenait de la Bonne Demoiselle du Logis, de la Bonne Demoiselle en deuil qui pleurait son mari et qui souriait aux pauvres gens.

Son doux sourire, il fit bien des miracles dans ce petit monde, il dissipa bien des haines, étouffa bien des révoltes, guérit bien des plaies. On la consultait, elle l’ignorante, et, ce qui plus est, on suivait ses conseils.

Une mère vint un jour, son enfant dans les bras. Elle expliqua le drame de sa vie, parla de fuite, d’abandon… Gilberte ne comprit rien à son histoire. Pourtant, au bout d’une heure, la mère partit consolée.

Il vint des jeunes filles qui lui demandaient son avis sur leur mariage, des femmes qui lui exposaient les querelles de leur ménage, d’autres qui lui racontaient des choses absolument obscures. Et tous ces problèmes, tous ces cas de conscience, Mme Armand, la Bonne Demoiselle, les résolvait avec son innocence d’enfant qui ne sait rien et qui en sait plus que ceux qui savent tout.

Un soir, Adèle lui présentait son livre. Elle fit gravement les additions et signa.

« Mais, madame ne regarde même pas ce que j’ai acheté et combien je l’ai payé. »

Gilberte rougit.

« C’est que… voyez-vous… je ne suis pas très rensei-