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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

y était, parce qu’il est bon de regarder la nuit se mêler au jour, et que cette heure est pleine de charme et d’apaisement. Et c’est ainsi qu’elle eut un ami, lointain et inaccessible, auquel elle se fût à jamais cachée s’il eût osé se montrer ou seulement lui faire comprendre par un geste qu’il venait pour elle, mais qui justement ne l’effaroucha point, par ce seul motif qu’il ne semblait pas exister.

« Vous n’avez pas peur d’attraper froid, chère madame ? »

C’était Mme de la Vaudraye qui, un soir, la vint surprendre au pavillon et qui, tout de suite, reprit de sa voix maniérée :

« J’ai mille excuses à vous faire, la simple politesse exigeait que je vous rendisse visite, mais, que voulez-vous ? j’ai tant d’obligations, tant de soucis ! Nombre d’œuvres charitables, dont je suis présidente, me retiennent. En outre, je vous l’avouerai, j’ai eu peur de vous paraître indiscrète, Je crains tellement de m’imposer ! Cependant, j’ai pensé qu’il était temps de venir distraire une petite sauvage comme vous.

— Vous êtes trop bonne, dit Gilberte, touchée de cette attention.

— Mais oui, chère madame, c’est si triste la vie que vous menez ! Les soirées surtout doivent être interminables. Comment les pouvez-vous remplir ? »

Elles étaient revenues au Logis. Un bon feu chauffait le petit salon : où Gilberte aimait se tenir. La lampe était allumée. Des partitions s’ouvraient sur le piano. Des livres et des cahiers s’empilaient sur la table.