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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

des gerbes de roses qu’elle avait cueillies. Adèle introduisit la mère et le fils.

Mme de la Vaudraye rayonnait. Tout à l’heure, dans la rue principale, au seul aspect de sa robe de soie, de son allure guindée et de sa mine triomphante, les habitants de Domfront avaient dû être édifiés sur le sens de la démarche qu’elle accomplissait auprès de Mme Armand. Elle se présenta avec l’aisance de quelqu’un qui est chez soi. Sa façon de s’asseoir indiqua une prise de possession définitive, béate.

Il n’y eut pas cet état de froideur et ce préambule de banalités qui marquent ces sortes d’entrevues. Mme de la Vaudraye était trop désireuse d’arriver au but.

« Ma chère Gilberte, je vous demande votre main pour mon fils Guillaume. »

Tout leur amour, toute l’ivresse de leur âme heureuse, toute leur reconnaissance, toute leur foi en l’avenir furent contenus dans le regard que Guillaume et Gilberte échangèrent. Il ne resta rien de l’agacement que causaient à l’un les manières victorieuses de sa mère, rien non plus de l’anxiété qu’éprouvait l’autre en cette heure solennelle :

Mme de la Vaudraye n’attendit même pas la réponse.

« Avant tout, ma chère enfant, laissez-moi vous parler en amie et en femme d’expérience qui sait trop par elle-même que le bonheur d’un ménage repose sur les réalités matérielles. Notre situation de fortune à Guillaume et à moi, vous la connaissez à peu près, n’est-ce pas ? À la mort de mon pauvre mari… »