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L’ENVELOPPE AUX CACHETS ROUGES

seule pouvait me les garder, puisqu’elle connaissait le secret de ma vie.

— Quel secret ? balbutia Guillaume.

— Ah ! vous ne savez pas… J’aimais quelqu’un. un de vos amis… qui venait souvent ici… »

Il eut la force d’articuler :

« Raphaël Dormeval ?…

— Oui, dit-elle avec la satisfaction que l’on éprouve à prononcer le nom de qui l’on aime, oui, Raphaël… Nous devons nous marier… Et je vais le voir tout à l’heure… »

Elle était debout, prête à partir. Elle avait une jolie figure heureuse, claire de toute sa joie, et des yeux qui souriaient, un peu humides, comme attendris par une telle félicité.

Il bégaya :

« Vous allez… vous allez…

— Oui, je vais chez lui. Il ne m’attendait que demain… Quelle surprise ! C’est pour cela que j’aurais été contente d’avoir ces lettres. Nous devions les relire ensemble, aussitôt libres…

— Écoutez… écoutez… »

Guillaume eut la sensation qu’il devenait fou. Il comprenait que quelque chose de formidable et de monstrueux s’était passé, quelque chose qui lui laisserait un souvenir plus effarant, plus torturant que la mort même de sa femme. Il aurait voulu la préparer à l’affreuse nouvelle. Mais il ne savait que dire. Ses lèvres refusaient de prononcer les ignobles paroles. Il regardait Henriette, en tremblant, comme on regarde