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NOËL TRAGIQUE

ment était immobilisée comme elle dans un fauteuil, par suite d’une foulure récente, sa sœur avoua :

« De fait, ce n’est pas gai de rester inactive. Voilà huit jours à peine que je suis comme toi, et je perds déjà patience. »

Alors elles se mirent à rire, car, toute leur vie, les mêmes événements leur étaient arrivés. Elles avaient épousé le même jour les deux frères. La même année, elles devenaient mères, et veuves aussi la même année. Et jusque dans les petits détails de l’existence, le destin les traitait également, leur distribuant des joies et des peines qu’il semblait peser dans les deux plateaux d’une balance.

Pour toutes ces raisons, elles s’aimaient avec tendresse. Elles n’auraient pu vivre l’une sans l’autre. À qui, du reste, eussent-elles parlé de leurs fils, de ces deux fils qui étaient leur raison d’être et qu’elles chérissaient avec la même passion et le même emportement ?


« Tu n’es pas inquiète ? dit Jeanne.

— Je suis toujours inquiète quand Bernard n’est pas là, répondit Mme Aubain… mais pas plus aujourd’hui.

— Moi, davantage. Il m’a toujours semblé que la nuit de Noël était une nuit spéciale, où il survenait des choses particulières, des événements plus heureux ou plus malheureux. Ce soir, j’ai comme une appréhension. »

Une des bûches dégringola, ce qui les fit tressaillir, et elles s’aperçurent qu’elles étaient très pâles toutes les deux.