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L’ÉCOLE DU MENSONGE

Ayant réfléchi quelques minutes, elle passa dans la pièce voisine. C’était la chambre à coucher. Ludovic dormait. Sans bruit, elle se saisit des clefs qu’il avait posées sur la cheminée et revint à son boudoir. L’une d’elles, qu’il désignait comme la clef de sa bibliothèque, ouvrait le petit bureau à cylindre.

Ainsi donc, Ludovic connaissait l’existence de son journal et suivait au jour le jour l’histoire de ses pensées intimes et les rêves où s’amusait parfois son imagination. Elle rougit, comme une femme surprise tout à coup sans voile, en pleine lumière, et, que ce fût son mari qui violât ainsi le secret de son âme, elle n’en éprouvait pas moins une impression de honte et de révolte.

Tout de suite elle feuilleta les pages, avec la peur inconsciente d’y trouver tel aveu qui pût être mal interprété. Mais en voyant couler sous ses yeux l’eau calme de sa vie, elle sourit elle-même de sa candeur. Aux époques les plus inquiètes dont elle se souvint, c’était, dans la sérénité inaltérable de son amour, de si menues faiblesses, des coquetteries d’un soir, le trouble involontaire que cause l’hommage trop ardent d’un homme ou l’effleurement trop rapide d’une tentation aussitôt chassée, de ces rêves enfin qui frôlent l’âme des plus aimantes sans en ternir un instant la pureté.

Elle eut beaucoup de joie à se contempler ainsi, comme dans un miroir fidèle, et, sans plus de rancune, elle fut également heureuse que Ludovic la connût sous ce bel aspect de constance et de dévouement. Elle était tout cela, honnête, simple, loyale, scrupuleuse,