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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

« Oui, tu as raison. C’est moi qui suis un peu mystérieuse, beaucoup même, mais crois bien que c’est un supplice que d’y être obligée. Ah ! si tu savais ! Pourtant cette fois-ci, je veux te répondre : la lettre que j’attends est de ta nourrice.

— De ma nourrice ? j’ai donc été élevée en France ? mais où ? »

La mère garda le silence. Gilberte attendit quelques instants, puis mit son chapeau et son vêtement, et dit :

« Repose-toi ; il est de fait que tu as ta pauvre figure des mauvais jours. Allons, je te laisse.

— Tu ne sors pas, surtout ?

— Sortir ! moi qui n’ai jamais quitté tes jupes ! Mais j’aurais peur dans la rue, toute seule. À tout à l’heure, mère chérie. »

Elle ouvrit la porte et descendit. Au-dessus des salons qui occupaient, sur la droite du jardin, une aile composée d’un seul étage, il y avait une terrasse où des tentes et des fauteuils étaient disposés. Elle s’y installa. Il faisait un temps doux et tiède d’octobre. La vaste plage déserte était claire de soleil. La mer, très calme, s’ourlait d’une petite frange d’écume.

Une heure passa.

« Je rentrerai, se dit-elle, quand cette petite barque disparaîtra derrière la jetée. »

La barque ayant disparu, elle se leva. En montant l’escalier, elle eut cette pensée puérile, — comme elle devait s’en souvenir, ainsi que de tous petits détails de cette minute effrayante !

« Si mère dort encore, je lui soufflerai sur le front pour l’éveiller. »