Page:Leblanc - La bonne leçon, paru dans Gil Blas, 01-12-1896.djvu/3

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Au printemps, après une épidémie de fièvre scarlatine qui avait désolé le pays, mon oncle fit venir de la ville voisine et logea gratuitement dans une petite maison qui lui appartenait, un vieux docteur du nom de Grimard.

D’abord tout alla pour le mieux. Le médecin s’occupait consciencieusement de ses malades. Il vivait seul, avec sa bonne, et donnait l’exemple d’une vie simple et régulière.

Mais bientôt, d’étranges bruits coururent. Ils prirent consistance, se précisèrent, et il devint notoire que Célina, la servante du docteur Grimard, avait la conduite la plus abominable qui fût. On rapprochait des coïncidences. On racontait des faits.

J’arrivai au beau milieu de ce scandale, et il n’y aurait pas eu moyen de me le cacher. C’était trop public. On ne parlait que de cela. Les femmes, au seuil de leurs portes, s’interpellaient en commentant la dernière aventure. Tous les garçons du bourg y passaient. Des gens mariés, même, furent surpris, et on disait que le jardinier de mon oncle Anthime offrait à Célina les plus beaux fruits du verger.

Ce pauvre oncle était aux abois. Que n’aurait-il donné pour que je ne fusse pas le témoin de tels débordements ! Il eut certes l’idée de me renvoyer chez moi. Mais, un matin, avec l’énergie de quelqu’un qui a pris une grande résolution, il me saisit par le bras :

— Écoute, tu es presqu’un homme, maintenant. Eh bien, tu vas voir comment on en agit avec le mal. Je veux que tu prennes là une leçon qui influe sur toute ta vie.