Page:Leblanc - La demoiselle aux yeux verts, paru dans Le Journal, du 8 déc 1926 au 18 jan 1927.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous pouvez tout, dit-elle, avec foi.

— Et je vois tout également, plaisanta Raoul. Ici, à la même heure, il y a quinze ans, vous avez dormi.

— Ce qui veut dire ?

— Que vos yeux sont lourds de sommeil, puisque votre vie d’il y a quinze ans recommence.

Elle n’essaya point de se dérober à son désir et s’étendit dans le hamac.

Raoul veilla un instant au seuil de la grotte. Mais, ayant consulté sa montre, il eut un geste d’agacement. Trois heures un quart : le marquis de Talençay n’était pas là.

— Et après ! se dit-il avec irritation. Et après ! Cela n’a aucune importance.

Si, cela avait de l’importance. Il le savait. Il y a des cas où tout a de l’importance.

Il rentra dans la grotte, observa la jeune fille qui dormait sous sa protection, voulut encore lui adresser des discours et la remercier en lui-même de sa confiance. Mais il ne le put point. Une inquiétude croissante l’envahissait.

Il franchit la petite plage et constata que la barque, dont il avait fait reposer la proue sur le sable, flottait maintenant à deux ou trois mètres de la berge. Il dut l’agripper avec une perche, et il fit alors une seconde constatation, c’est que cette barque qui, pendant la traversée, s’était remplie de quelques centimètres d’eau, en contenait trente ou quarante centimètres.