Page:Leblanc - La demoiselle aux yeux verts, paru dans Le Journal, du 8 déc 1926 au 18 jan 1927.djvu/259

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dre tout à fait, j’ai besoin de vos souvenirs, de tous vos souvenirs.

La voix de Raoul se faisait pressante et il continua avec une ardeur contenue :

— Oui, je sais, vous avez promis à votre mère de ne les révéler qu’à l’homme que vous aimeriez. Mais la mort est une raison de parler plus forte que l’amour, et, si vous ne m’aimez pas, je vous aime comme votre mère aurait pu souhaiter que l’on vous aimât. Pardonnez-moi de vous le dire, malgré le serment que je vous ai fait… Mais il y a des heures où l’on ne peut plus se taire. Je vous aime… Je vous aime et je veux vous sauver… Je vous aime… Je n’admets pas votre silence qui serait un crime contre vous. Répondez. Quelques mots seront peut-être suffisants pour m’éclairer.

Elle murmura :

— Interrogez-moi.

Il dit aussitôt :

— Que s’est-il passé autrefois après votre arrivée ici, avec votre mère ? Quels paysages avez-vous vus ? Où votre grand-père et votre ami vous ont-ils conduite ?

— Nulle part, affirma-t-elle. Je suis sûre d’avoir dormi ici, oui, dans un hamac comme aujourd’hui… On causait autour de moi. Les deux hommes fumaient. Ce sont des souvenirs que j’avais oubliés et que je retrouve. Je me rappelle l’odeur du tabac et le bruit d’une bouteille qu’on a débouchée. Et puis… et puis… je ne dors plus… on me fait manger… Dehors, il y a du soleil…

— Du soleil ?

— Oui, ce doit être le lendemain.

— Le lendemain ? vous êtes cer-