qu’elle entendît. Sa main était devenue brûlante. Elle balbutia dans une sorte de délire :
— Je n’ai pas tué… je n’ai pas tué…
— Taisez-vous, dit Raoul avec brusquerie. Nous parlerons plus tard.
Ils se turent l’un et l’autre. L’immense paix de la campagne endormie étendait autour d’eux des espaces de silence et de sécurité. Seul le trot du cheval s’élevait de temps à autre dans les ténèbres. On vit deux ou trois fois, à une distance incertaine, les lanternes de la voiture qui luisaient comme des yeux écarquillés. Aucune clameur, aucune menace du côté de la gare.
Raoul songeait à l’étrange situation, et, au-delà de l’énigmatique meurtrière dont le cœur battait si fortement qu’il en sentait le rythme éperdu, il évoquait la Parisienne, entrevue huit à neuf heures plus tôt, heureuse et sans souci apparent. Les deux images, si différentes l’une de l’autre pourtant, se confondaient en lui. Le souvenir de la vision resplendissante atténuait sa haine contre celle qui avait tué l’Anglaise. Mais avait-il de la haine ? Il s’accrochait à ce mot et pensait durement :
— Je la hais… Quoi qu’elle en dise, elle a tué… L’Anglaise est morte par sa faute et par celle de ses complices… Je la hais… Miss Bakefield sera vengée.