Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/121

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sérieux et qui agit avec une grande prudence.

Au bout de quelques minutes, M. de Trébons ramena Saboureux et le père Poussière. Fort agité, maître Saboureux continuait à se débattre.

— C’est-i fini c’te fois ? En v’là trois qui m’enquêtent… Qu’é qu’on veut de moi à la fin des fins ? Pisque j’vous répète à tous que j’dormais… Et Poussière aussi… N’est-ce pas, Poussière, qu’nous n’avons rien vu de la chose ?

Et, empoignant soudain M. de Trébons par le bras, il articula d’une voix étranglée :

— Dites donc, va pas y avoir de guerre ? Ah ! non ! ça serait pas à faire ça ! Vous pouvez dire à vos messieurs de Paris qu’on n’en veut pas… Ah ! non, j’ai assez trimé comme ça ! La guerre ! Les uhlans qui brûlent tout !…

Il paraissait terrifié. Ses vieilles mains osseuses se convulsaient au bras de M. de Trébons, et ses petits yeux étincelaient de fureur.

Le père Poussière hocha la tête et bredouilla :

— Ah ! non… les uhlans… les uhlans…

M. de Trébons se dégagea sans brusquerie et les fit asseoir. Puis, s’avançant vers Marthe :

M. Le Corbier serait désireux de vous voir, madame, en même temps que M. Philippe Morestal. Et il prie aussi M. Morestal de vouloir bien revenir.

Les deux Morestal et Marthe s’en allèrent, laissant Suzanne Jorancé.

Mais à ce moment, il se passa un fait étrange qui retentit, sans aucun doute, sur la suite des événements. De la tente allemande surgirent Weisslicht et ses hommes, puis un officier en grande tenue qui traversa le rond-point, s’approcha de M. de Trébons et le prévint que Son Excellence le statthalter, ayant terminé sa mission, serait très honoré de s’entretenir un instant avec M. le sous-secrétaire d’État.