Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/169

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est cloué au lit ! Ah ! Philippe, c’est la fin de tout.

Elle remit quelques meubles en place, essuya le tapis avec son tablier, et, quand le salon lui parut en ordre, elle se dirigea vers la porte en disant :

— Il est peut-être réveillé… Que voudra-t-il faire lorsqu’il apprendra ?… Pourvu qu’il se tienne tranquille ! Un homme de son âge…

Philippe s’approcha d’elle, dans un élan instinctif.

— Tu sais que je m’en vais, mère ?

Elle répliqua :

— Tu t’en vas ? Hé bien oui, tu as raison. Je déciderai bien Marthe à te rejoindre…

Il hocha la tête.

— J’ai bien peur…

— Si, si, affirma-t-elle. Marthe t’aime beaucoup. Et puis, il y a les enfants qui vous réuniront. J’arrangerai cela… C’est comme pour ton père. Ne t’inquiète pas… Avec le temps, tout s’apaisera entre vous deux. Va, mon garçon… Écris-moi souvent…

— Tu ne m’embrasses pas, mère ?

Elle l’embrassa sur le front, d’un baiser froid et rapide où se révélait la persistance de sa rancune.

Mais au moment d’ouvrir la porte, elle s’arrêta, réfléchit et dit :

— C’est bien à Paris que tu retournes ? Chez toi ?

— Pourquoi cette question, mère ?

— Une idée qui me vient. J’ai la tête dans un tel état, à cause de ton père, que je n’y avais pas songé…

— Quelle idée ? Peux-tu me dire ?

— À propos de cette guerre… Mais non, n’est-ce pas, comme professeur, tu es dispensé…

Il comprit sa crainte, et, comme il ne pouvait la rassurer en lui avouant ses intentions secrètes, il la laissa dans l’erreur.

— Oui, dit-il, je suis dispensé.

— Cependant, tu as fait une période de réserviste ?

— Dans les bureaux. Et c’est là que nous servons, en temps de guerre.