Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/176

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et ses dons d’amour-propre et d’initiative.

Il demeura pensif quelques minutes. Mais le temps pressait. Il rappela Victor et monta dans sa chambre.

— Vite, ma valise.

Pêle-mêle, ils entassèrent les papiers, les manuscrits, un peu de linge et les objets de toilette. La valise fut bouclée. Philippe l’empoigna.

— Au revoir, Victor, vous direz à maman que je l’embrasse.

Il traversa le palier. Mais quelqu’un s’élança d’une chambre voisine. C’était Marthe. Elle lui barra le passage.

— Où vas-tu ? demanda-t-elle.

III

Depuis la veille, retirée chez elle, mais attentive à tout ce qui se passait au Vieux-Moulin, par sa fenêtre ouverte et par sa porte entrebâillée, elle écoutait et observait les allées et venues, le tumulte des domestiques, tout l’affolement d’une maison qui se sent menacée par l’approche d’un cyclone.

Sa crise de haine et de rage dominée, maîtresse d’elle-même, elle ne s’effrayait plus d’un rendez-vous possible entre Philippe et Suzanne. Un autre tourment l’assiégeait. Que comptait faire son mari ? Placé en face d’une éventualité qu’il avait souvent prévue, quelle conduite adopterait-il ?

Et c’est lui qu’elle épiait. Avant de partir elle voulait savoir. Elle entendit sa première conversation avec Victor. Elle assista de loin à sa rencontre avec le capitaine Daspry. Elle le vit entrer dans sa chambre. Elle le vit qui en sortait. Et, malgré elle, bien que poussée par un sentiment très défini, elle se dressa devant lui comme un obstacle.

— Où vas-tu ?

Philippe ne se démonta pas. Il répondit :

— En quoi cela peut-il t’intéresser ?

— Viens, dit-elle, nous avons à parler… Viens.