Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/192

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Ceux-là disparurent un moment, cachés par le repli du terrain.

Le capitaine dit à Morestal :

— Quand cette route sera atteinte et que l’assaut commencera, le départ ne sera plus possible… Or, il serait plus prudent que ces dames… et que vous-même…

Morestal eut un tel regard que l’officier n’insista point.

— Allons, allons, dit-il en souriant, ne vous fâchez pas. Aidez-moi plutôt à faire comprendre à ces braves gens…

Il s’adressait aux domestiques, à Victor qui décrochait un fusil, au jardinier, à Henriot, et il les avertit qu’il ne devait rester au Vieux-Moulin que des combattants, tout homme pris les armes à la main s’exposant aux représailles.

Ils le laissèrent parler, et Victor, sans plus songer à la retraite, répondit :

— Ça se peut, mon capitaine. Mais ça, c’est des choses auxquelles on ne pense pas. Moi, je reste.

— Et vous, maître Saboureux ? Vous risquez gros, si l’on prouve que le feu a été allumé par vous.

— Je reste, grogna le paysan, laconique.

— Et vous, le chemineau ?

Le père Poussière n’avait pas encore mangé le morceau de pain tiré de son bissac. Il écoutait et observait, les yeux écarquillés, avec un effort visible d’attention. Il examina le capitaine, son uniforme, les soutaches qui ornaient sa manche, parut