Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/27

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Le vieux Morestal s’était retourné vers son fils, comme s’il avait reçu un coup, et une bouffée de sang enflammait son visage. Il regarda Philippe dans les yeux.

— Que dis-tu ?

Philippe eut l’impression du choc qui allait les jeter l’un contre l’autre s’il osait préciser davantage ses objections. Alors il articula des mots au hasard :

— Évidemment l’hypothèse n’est pas de celles qu’on puisse admettre… Mais, tout de même… ne pensez-vous pas qu’il faut l’envisager ?…

— Envisager l’hypothèse d’une défaite ? acheva le vieillard qui paraissait interdit… Serais-tu d’avis que cette crainte doive influer sur la conduite de la France ?

Une diversion tira Philippe d’embarras. À l’extrémité de la terrasse, quelqu’un avait surgi de l’escalier, et de façon si bruyante que Morestal n’attendit pas la réponse de son fils.

— C’est donc vous, Saboureux ? Quel vacarme !

C’était, en effet, maître Saboureux, le fermier dont on apercevait la maison au col du Diable. Un vieux chemineau, tout en haillons, l’accompagnait.

Saboureux venait se plaindre. Des soldats