Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/32

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Aussitôt Suzanne s’écria :

— Nous causions de vous, Philippe.

Il ne répondit pas. Il alla vers la fenêtre, la ferma, puis il revint vers les deux jeunes femmes. Suzanne lui offrit une chaise à côté d’elle, mais il s’assit près de Marthe, et Marthe vit à son air qu’il s’était passé quelque chose.

— Tu lui as parlé ?

— Non.

— Cependant…

En quelques phrases, il raconta l’entretien et l’incident de la brochure, et les mots que son père avait prononcés contre l’auteur de ce livre. Il les redit, ces mots, une seconde fois, avec une amertume croissante. Puis il se tut, réfléchit, et posant ses poings sur ses tempes, il prononça lentement, comme s’il se donnait à lui-même des explications :

— Voilà trois ans que cela dure… depuis sa lettre à propos de ma nomination et à propos de mon second livre sur l’idée de patrie. Peut-être aurais-je dû à ce moment lui écrire l’évolution de ma pensée et le changement formidable qu’apportait en moi l’étude de l’histoire et des civilisations disparues.

— Peut-être aurait-il fallu, en effet… approuva Marthe.

— J’ai eu peur, dit Philippe, j’ai eu peur