Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heureuse ! mon beau rêve se réalise… Nous nous promènerons dans l’ombre, sans rien dire… Et je n’oublierai jamais cette heure-là… Vous non plus, Philippe… vous non plus…


V

Une main s’engagea entre les barreaux de la grille supérieure qui fermait l’escalier de la terrasse et saisit le battant de la petite sonnette accrochée à l’un de ces barreaux. Une poussée… la grille fut ouverte.

— Pas plus difficile que ça, dit l’homme en s’aventurant sur la terrasse. Puisque la montagne ne vient pas à Dourlowski…

L’homme s’arrêta : il avait entendu des voix. Mais, ayant écouté, il se rendit compte que ce bruit de voix s’élevait derrière la maison. Il entra donc paisiblement dans le hall, qu’il traversa d’un bout à l’autre, et gagna les fenêtres de l’autre façade. Un peu plus loin, au bas du perron, il vit une voiture attelée, où Suzanne et son père avaient pris place. La famille Morestal entourait la voiture.

— Allez, disait Morestal, Philippe et moi nous irons à pied… et nous reviendrons de même, n’est-ce pas, mon garçon ?

— Et vous, Marthe ? demanda Jorancé.

— Non, je vous remercie. Je reste avec maman.

— Eh bien, on vous renverra vos hommes de bonne heure… d’autant que Morestal se couche tôt. À dix heures précises, ils partiront de la maison, et je leur ferai un bout de conduite jusqu’à la Butte.

— C’est ça, dit Morestal, on verra le poteau renversé, au clair de lune. Et à dix heures et demie nous serons ici, la mère. C’est juré. Au trot, Victor.

La voiture fila. Dans le salon, Dourlowski sortit sa montre et la régla sur la pendule en chuchotant :

— Par conséquent, ils passeront à la Butte vers dix heures et quart. Bon à savoir, ça. Il s’agit maintenant d’avertir le