Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/5

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vu. Parbleu ! depuis sa nomination à Paris comme professeur d’histoire. Bigre, en voilà un qui a fait son chemin ! Ce que nous allons le soigner pendant ces quinze jours ! De la marche… de l’exercice… Eh ! quoi, c’est un homme de plein air, comme le vieux Morestal !

Il se mit à rire :

— Sais-tu ce qu’il lui faudrait ? Six mois de bivouac du côté de Berlin.

— Je suis tranquille, déclara-t-elle, il a passé par l’École normale. En temps de guerre, les professeurs ne quitteront pas leur garnison.

— Qu’est-ce que tu chantes ?

— C’est l’instituteur qui me l’a dit.

Il sursauta.

— Comment tu lui adresses encore la parole, à ce pleutre-là ?

— C’est un très brave homme, assura-t-elle.

— Lui, un brave homme ! avec de pareilles théories !

Elle s’empressa de sortir pour éviter la bourrasque. Mais Morestal était lancé :

— Oui, oui, des théories ! Je maintiens le mot… des théories ! Comme conseiller d’arrondissement, comme maire de Saint-Élophe, j’ai le droit d’assister à ses leçons. Ah ! tu n’imagines pas !… Il a une manière d’enseigner l’histoire de France !… De mon temps, les héros, c’était le chevalier d’Assas, c’était Bayard, c’était La Tour D’Auvergne, tous ces bougres qui ont illustré un pays. Aujourd’hui, c’est Mossieu Étienne Marcel, Mossieu Dolet… Ah ! elles sont propres, leurs théories.

Il barra le chemin à sa femme qui rentrait, et lui jeta au visage :

— Sais-tu pourquoi Napoléon a perdu la bataille de Waterloo ?

— Impossible de retrouver le bol à café au lait, dit Mme Morestal, tout entière à ses occupations.

— Eh bien, demande-le à ton instituteur, il te donnera sur Napoléon les théories du jour.

— Je l’avais mis moi-même sur ce bahut.