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VIII

Le chemin que suivaient Morestal et son ami fait d’abord un crochet, puis s’élève sur le flanc boisé d’un ravin. Employé jadis pour l’exploitation des forêts, il est encore pavé de grosses pierres qui, les jours où il a plu, couvertes de boue, rendent l’ascension difficile.

En haut de la montée, Morestal souffla.

— On devrait, dit-il, voir Philippe d’ici.

Des nuages légers ternissaient la lumière de la lune, mais on apercevait pourtant, à certains endroits dénudés, l’autre côté du ravin.

Il appela :

— Ohé !… Philippe !

— Voulez-vous que je vous dise ? objecta Jorancé. Eh bien, Philippe n’aura pas voulu que Suzanne rentrât seule, et il la reconduit, tout au moins jusqu’aux maisons.

— Possible, prononça Morestal. Cette pauvre Suzanne, elle n’a pas l’air très gai. Alors, décidément, tu la maries ?

— Oui… je la marie… c’est une chose résolue.

Ils se remirent en route, et, par une pente insensible, arrivèrent à deux gros arbres, après lesquels le chemin tournait à droite. Dès lors, courant parmi des bois de sapins sur la ligne même des crêtes, il