Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/64

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toutefois il n’y a pas là un secret professionnel — pourrais-tu me dire ce que c’est au juste que le sieur Dourlowski ?

— Il y a six mois, répliqua Jorancé, il m’eût été impossible de vous répondre. Mais maintenant…

— Mais maintenant ?…

— Il n’est plus à notre service.

— Crois-tu qu’il ait passé de l’autre côté ?…

— Je le suppose… mais sans la moindre preuve. En tout cas, l’individu est peu recommandable. Pourquoi me demandez-vous cela ? Vous avez affaire à lui ?…

— Non, non, dit Morestal, qui demeura pensif.

Ils continuèrent en silence. Le vent, plus âpre sur la crête, se jouait entre les arbres. Des aiguilles de sapin craquaient sous leurs bottes. La lune avait disparu, mais le ciel était blanc de clarté.

— La Pierre-Branlante… La Cheminée-des-Fées… annonça Morestal, en désignant la forme vague de deux roches.

Ils marchèrent encore un moment.

— Hein ? Qu’y a-t-il ? fit Jorancé, que son compagnon avait saisi par le bras.

— Tu n’as pas entendu ?

— Non.

— Écoute !

— Eh bien, quoi ?

— Tu n’as pas entendu une sorte de cri ?

— Oui, le cri d’une chouette.

— Tu es sûr ? Ça ne m’a pas semblé naturel.

— Que voulez-vous que ce soit ? Un signal ?

— Certes.

Jorancé réfléchit et déclara :

— Après tout, il n’y aurait rien d’impossible… quelque contrebandier peut-être… Mais le moment serait mal choisi.

— Pourquoi ?

— Dame ! le poteau allemand ayant été démoli, il est probable que toute cette partie de la frontière est l’objet d’une surveillance plus étroite.