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chevaux. Ils furent conduits au col du Diable et, de là, par l’usine Wildermann et par le hameau de Torins, dirigés vers la ville allemande de Bœrsweilen.


deuxième partie

I

Suzanne Jorancé poussa la barrière et pénétra dans le domaine du Vieux-Moulin.

Elle était vêtue de blanc, toute fraîche sous un grand chapeau de paille d’Italie dont les brides de velours noir pendaient sur ses épaules. La jupe courte découvrait ses chevilles délicates. Elle marchait d’un pas rapide, en s’aidant d’une haute canne à bout ferré, tandis que sa main libre froissait des fleurs qu’elle avait cueillies en route et qu’elle laissait tomber distraitement.

La paisible maison des Morestal s’éveillait au soleil du matin. Plusieurs croisées étaient ouvertes, et Suzanne aperçut Marthe qui écrivait, assise devant la table de sa chambre.

Elle appela :

— Je puis monter ?

Mais, à l’une des fenêtres du salon, Mme Morestal apparut et lui fit un signe impérieux :

— Chut ! taisez-vous !

— Qu’y a-t-il donc ? dit Suzanne après avoir rejoint la vieille dame.

— Ils dorment.

— Qui ?

— Eh ! le père et le fils.

— Ah ! dit Suzanne… Philippe…

— Oui, ils ont dû rentrer tard, et ils se reposent. Ni l’un ni l’autre, ils n’ont encore sonné. Mais, dites donc, Suzanne, vous ne partez donc pas ?

— Demain… ou après-demain… Je vous avoue que je ne suis pas pressée.

Mme Morestal la conduisit jusqu’à la chambre de sa belle-fille et demanda :

— Philippe dort toujours, n’est-ce pas ?

— Je suppose, dit Marthe, on ne l’entend pas…

— Morestal non plus… Il est pourtant