chemin de la frontière, et, d’accord avec les policiers allemands, le passage du déserteur a été combiné pour ce moment-là ! À notre approche, un coup de sifflet, et le soldat, à qui l’on a fait croire sans doute que ce coup de sifflet est un signal de complices français, le soldat, que Dourlowski ou ses acolytes tiennent en laisse ainsi qu’un chien, le soldat est lâché. Tout le mystère est là ! Ce ne n’est pas lui, le malheureux, que l’on visait, c’était Jorancé, c’était Morestal. Comme de juste, Morestal vole au secours du fugitif. On lui met la main au collet, on s’empare de Jorancé, et nous voilà tous deux complices. Bravo, messieurs, le tour est bien joué.
Mme Morestal murmura :
— Dis donc, ça pourrait être grave…
— Pour Jorancé, dit-il, oui, parce qu’il est sous les verrous ; mais il y a un seulement… La poursuite du déserteur a eu lieu sur le territoire français. C’est également sur le territoire français que nous avons été arrêtés. La violation est flagrante. Par conséquent, rien à craindre.
— Vous croyez ? demanda Suzanne. Vous croyez que mon père…
— Rien à craindre, répéta Morestal.
Et il déclara nettement :
— Je considère Jorancé comme libre.
— Heu ! heu ! marmotta la vieille dame, les choses n’iront pas si vite…
— Encore une fois, je considère Jorancé comme libre, et pour cette bonne raison qu’il y a eu violation de frontière.
— Qui prouvera cette violation ?
— Qui ? Mais moi !… Mais Jorancé !… T’imagines-tu qu’on suspectera la parole des honnêtes gens que nous sommes ? D’ailleurs il y a d’autres preuves. On relèvera les traces de la poursuite, les traces de l’agression, celles du combat que nous avons soutenu. Et qui sait, il y a peut-être eu des témoins…
Marthe tourna les yeux sur Philippe. Il écoutait son père, le visage si pâle qu’elle en fut stupéfaite. Elle attendit quelques