Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/93

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Nous les tenons ! Et voilà ces messieurs du Parquet qui seront de mon avis, je t’en donne mon billet ! Et ça ne traînera pas ! Demain, Jorancé sera libre.

Il lâcha la plume, qu’il avait saisie pour écrire lui-même son rapport, et se dirigea vivement vers la fenêtre, attiré par le bruit d’une automobile qui contournait la pelouse du jardin.

— Le sous-préfet, dit-il. Bigre ! Le gouvernement est déjà averti. Le juge d’instruction et le procureur !… Oh ! Oh ! on va nous mener ça rondement, je vois… Vite, la mère, qu’on les reçoive ici… Moi, je reviens, le temps de mettre un faux col, d’enfiler une jaquette…

— Père !

Sur le seuil de la porte, Morestal s’arrêta. C’était son fils qui l’interpellait.

— Qu’est-ce que tu veux, mon garçon ?

— J’ai à vous parler, déclara Philippe avec résolution.

— Tant mieux ! Mais nous remettrons cela à tantôt, hein ?

— J’ai à vous parler maintenant.

— Ah ! En ce cas, accompagne-moi. Tiens, tu me donneras un coup de main. Justement Victor n’est pas là.

Et, tout en riant, il passa dans sa chambre.

Malgré elle, Marthe fit quelques pas comme si elle se proposait d’assister à la conversation. Philippe eut un moment d’embarras. Puis il se décida brusquement.

— Non, Marthe, il est préférable que tu restes.

— Cependant…

— Non, encore une fois non. Excuse-moi. Plus tard, je te donnerai l’explication.

Et il rejoignit son père.

Dès qu’ils furent seuls, Morestal, qui songeait d’ailleurs beaucoup plus à sa déposition qu’aux paroles de Philippe, Morestal demanda distraitement :

— C’est confidentiel ?

— Oui, et très grave, déclara Philippe.

— Oh ! Oh !

— Très grave, comme vous allez le comprendre, mon père… Il s’agit d’une si-