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Page:Leblanc - Le Bouchon de cristal, paru dans Le Journal, 25-09 au 09-11-1912.djvu/145

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Puis il s’agrippa de nouveau aux aspérités de la falaise et continua l’escalade, les doigts en sang, les ongles meurtris. À chaque moment, il s’attendait à la chute inévitable. Et ce qui le décourageait, c’était de percevoir le murmure des voix qui s’élevait de la barque, murmure si distinct qu’il ne semblait pas que l’intervalle s’accrût entre ses compagnons et lui.

Et il se rappela le seigneur de Tancarville, seul aussi parmi les ténèbres, et qui devait frissonner au fracas des pierres détachées et bondissantes. Comme le moindre bruit se répercutait dans le silence profond ! Qu’un des gardes de Daubrecq épiât l’ombre du haut de la tour des Deux-Amants, et c’était le coup de feu, la mort…

Il grimpait… il grimpait… et il grimpait depuis si longtemps qu’il finit par s’imaginer que le but était dépassé. Sans aucun doute, il avait obliqué à son insu vers la droite, ou vers la gauche, et il allait aboutir au chemin de ronde. Dénouement stupide ! Aussi bien, est-ce qu’il pouvait en être autrement d’une tentative que l’enchaînement si rapide des faits ne lui avait pas permis d’étudier et de préparer ?

Furieux, il redoubla d’efforts, s’éleva de plusieurs mètres, glissa, reconquit le terrain perdu, empoigna une touffe de racines qui lui resta dans la main, glissa de nouveau, et, découragé, il abandonnait la partie, quand, soudain, se raidissant en une crispation de tout son être, de tous ses muscles et de toute sa volonté, il s’immobilisa ; un bruit de voix semblait sortir du roc qu’il étreignait.