Page:Leblanc - Le Bouchon de cristal, paru dans Le Journal, 25-09 au 09-11-1912.djvu/57

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bord… et puis à la suppression… Un gamin de vingt ans ! et qui n’a pas tué, qui n’est pas complice du meurtre…

Hélas ! Lupin n’ignorait pas que c’était là chose impossible à prouver, et qu’il devait diriger ses efforts vers un autre point. Mais vers lequel ? Fallait-il renoncer à la piste du bouchon de cristal ?

Il ne put s’y décider. Son unique diversion fut d’aller à Enghien, où demeuraient Grognard et Le Ballu, et de s’assurer qu’ils avaient disparu depuis l’assassinat de la villa Marie-Thérèse. Hors cela, il s’occupa et ne voulut s’occuper que de Daubrecq.

Il refusa même de se livrer à la moindre considération sur les énigmes qui se posaient à lui, sur la trahison de Grognard et Le Ballu, sur leurs rapports avec la dame aux cheveux gris, sur l’espionnage dont il était l’objet, lui, personnellement.

— Silence, Lupin, disait-il, dans la fièvre on raisonne à faux. Donc, tais-toi. Pas de déduction, surtout ! Rien n’est plus bête que de déduire les faits les uns des autres avant d’avoir trouvé un point de départ certain. C’est comme cela que l’on se fiche dedans. Écoute ton instinct. Marche d’après ton intuition, et puisque, en dehors de tout raisonnement, en dehors de toute logique, pourrait-on dire, puisque tu es persuadé que cette affaire tourne autour de ce sacré bouchon, vas-y hardiment. Sus au Daubrecq et à son cristal !

Lupin n’avait pas attendu d’aboutir à ces conclusions pour y conformer ses actes. À l’instant où il les énonçait en lui-même, il se trouvait assis, petit rentier muni d’un cache-nez et d’un vieux pardessus, il se trouvait assis trois jours après la scène du Vaudeville, sur un banc de l’avenue Victor-Hugo, à une distance assez grande du square Lamartine. Selon ses instructions, Victoire devait, chaque matin, à la même heure, passer devant ce banc.

— Oui, se répéta-t-il, le bouchon de cristal, tout est là… Quand je l’aurai…

Victoire arrivait, son panier de provi-