Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/124

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Lorsque Florence et Max Lamar rejoignirent John Redmon, ils le mirent au courant du nouveau vol commis par l’inconnue mystérieuse, et le directeur de l’hôtel Surfton prévint la jeune fille que Mme Travis était partie et que sa gouvernante la ramènerait chez elle. Alors, Florence et les deux hommes se postèrent dans le vestibule et, sans affectation, surveillèrent la sortie de tous les invités. Ils ne remarquèrent rien d’anormal et, devant eux, Clara Skimer passa très tranquillement.

La complice de Sam Smiling savait pourquoi Lamar et le directeur de l’hôtel se trouvaient là, mais elle savait aussi ce qu’ils cherchaient : le Cercle Rouge sur la main de la voleuse, et elle eut soin, d’un geste plein de naturel, de lever vers son col, comme pour agrafer son manteau ses deux mains dégantées, parfaitement blanches maintenant et que nulle trace insolite ne marquait plus.

Quand tout le monde fut sorti, John Redmon lança à Lamar un regard de désappointement.

— Eh bien ! docteur, voilà qui est fini, nous ne retrouverons plus la voleuse. Je ne pouvais pourtant pas faire fouiller toutes les personnes présentes… Pensez au scandale !

— Je ne reverrai jamais mon pendentif, murmura Florence, désolée.

Lamar, à l’observation du directeur, avait eu un haussement d’épaules.

— Vous ne pensiez pas, monsieur Redmon, que la voleuse serait sortie en nous montrant ostensiblement la marque dénonciatrice ? Non, un hasard eût seul pu nous la révéler. Ce hasard ne s’est pas produit, mais il ne fallait pas en négliger la possibilité. Nous devons maintenant envisager le cas où la voleuse ou bien le voleur — car il y a peut-être un complice — serait un des habitants de l’hôtel. Dans cette occurrence, puisque les autres issues sont fermées maintenant, il est très probablement dans la maison. Vous n’avez vu passer aucun de vos locataires, n’est-ce pas ?

M. John Redmon avait bondi :

— Impossible, docteur Lamar, je suis sûr de mon personnel. Et, quant à mes voyageurs !… Mon Dieu ! qu’allez-vous penser là ?… Dans une maison de premier ordre !… Mes voyageurs !…

Un cri l’interrompit, venant de l’étage supérieur de l’hôtel. Un cri affreux, prolongé, plaintif et désespéré, non pas un cri de peur ou de douleur physique, mais la clameur de détresse et d’angoisse d’un homme frappé par un malheur soudain.

Tous tressaillirent.

— Qu’est-ce encore ? s’exclama M. Redmon.

Déjà, dans l’escalier, s’entendaient des pas précipités, et un gros homme en habit, les yeux hors de la tête, la cravate dénouée, la face livide et offrant la parfaite image de l’affolement, de l’horreur et du désespoir, dégringola quatre à quatre les marches et se rua vers le directeur.

M. Redmon ! l’écrin ! on m’a volé l’écrin ! Je suis perdu, cria-t-il d’une voix entrecoupée, si pleine de détresse que ses trois interlocuteurs en furent émus.

— On vous a volé, M. Strong ? Quoi ? qui ? commença le directeur, bouleversé par ce nouveau malheur.

— L’écrin de diamants… Dans ma chambre !… Je ne sais pas !… gémit le gros homme, répondant pèle-mêle aux questions.

— Voyons, monsieur, intervint Lamar avec autorité. Du calme. Racontez-nous en détail ce qui est arrivé.