Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/129

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Elle venait d’apercevoir, enveloppé dans un ample caoutchouc, un homme qui se tenait adossé contre le mur de la maison, tout près de la porte d’entrée.

— Diable ! pensa-t-elle, est-ce que par hasard j’aurais été suivie ?

Et, prudemment cette fois, elle risqua un autre coup d’œil furtif au dehors.

La pluie tombait maintenant plus dense et l’homme était toujours là, collé contre la muraille.

— Suis-je bête ! se dit Clara. C’est un passant qui s’est mis un instant à l’abri sous le rebord de la toiture.

Et sans plus s’occuper de ce qu’elle considérait, peut-être à tort, comme un détail insignifiant, elle changea rapidement de toilette, revêtit un tailleur sombre à grand col blanc, se coiffa d’un béret de velours noir et s’enveloppa d’un vaste imperméable. Puis, ayant pris le petit paquet qu’elle avait préparé, elle quitta la chambre.

Mais une fois dans le couloir de son appartement, au lieu de se diriger vers la sortie, elle prit la gauche, et, sur la pointe des pieds, alla ouvrir doucement la porte d’une chambre qui donnait sur la cour.

Par l’entrebâillement, elle jeta un regard rapide.

— Il dort ! C’est ce qu’il a de mieux à faire murmura-t-elle en haussant les épaules.

Elle referma la porte et quitta l’appartement.

Elle descendit rapidement l’escalier, mais comme elle allait franchir le seuil de la maison, elle heurta assez violemment un passant qui s’était réfugié là sans doute pour se garantir de l’averse.

Elle reconnut l’homme qu’elle avait aperçu de la fenêtre.

— Vous pourriez peut-être me laisser passer, dit-elle, d’une voix sèche. A-t-on idée de barrer le couloir des maisons, sous prétexte qu’il fait mauvais temps !

— Je vous demande pardon, madame, répondit l’individu…

Mais au lieu de s’effacer courtoisement, comme le laissait prévoir le ton poli qu’il venait de prendre, il se mit nettement en travers de la porte. Il avait relevé la tête et regardait Clara. Sous le capuchon de son caoutchouc luisaient deux yeux perçants et scrutateurs.

— Après réflexion, je change d’avis, dit-il soudain d’une voix coupante, et je vous arrête !

Clara fit un saut en arrière.

— Moi ?… Vous êtes fou !

Mais déjà une main de fer lui avait saisi le poignet.

— Pas de bruit ! pas de résistance et suivez-moi ! ou j’appelle des policemen pour vous passer ce petit bracelet.

Des menottes d’acier fin tressé luisaient dans la main gauche de l’homme au caoutchouc.

C’était là un genre de bijou pour lequel Clara Skinner n’éprouvait probablement aucune sympathie, car, sentant d’autre part toute résistance inutile, elle répondit, dévorant sa rage.

— Eh bien ! soit, je vous suis pour éviter le scandale. Mais, prenez garde ! Vous commettez une arrestation arbitraire.

— Cela arrive quelquefois…

— Vous pourriez le payer cher !

— Oh ! je vous ferai toutes les excuses que vous voudrez, si j’ai tort… mais j’ai comme une vague idée que je n’aurai pas à vous les faire, ajouta l’homme en prenant le pas à côté de Clara, qui se laissa emmener sans protester davantage.

À quelque distance de là se trouvait le poste de police. Avant d’y pénétrer, Clara d’un brusque mouvement tenta de s’échapper.

L’homme la saisit par le pan de son imperméable et, par la porte ouverte du poste, la poussa dans l’intérieur en lui disant :

— Quand on a rien à se reprocher, on ne cherche pas à prendre la fuite.

Et, pénétrant derrière elle, il rabattit son capuchon et appela :