Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/142

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Contrairement à ce que croyait Florence, sa tenue originale attira tous les regards, mais bien plus sous une forme sympathique que par simple curiosité.

Sous son béret blanc, sa jolie figure semblait lumineuse. Lumineuse de l’éclat de ses beaux yeux, dans lesquels il semblait que fût resté encore un peu de l’azur des flots contemplés le matin. Sa taille exquise, enfermée dans une ceinture de peau mince et large, avait la souplesse d’une liane sous la pression du vent. Et ses petits pieds dans les souliers de toile, bondissaient sur le sable, qu’ils semblaient effleurer à peine.

Les jeunes gens la regardaient avec un respectueux désir. On la savait riche, indépendante. C’était à la fois, un parti merveilleux et la certitude d’un bonheur complet. Les femmes, même, n’en semblaient point jalouses, tant elle désarmait l’envie par sa sereine beauté.

Elle rendit négligemment les nombreux saluts qu’on lui adressait de toutes parts et pénétra dans le bureau, suivie de Mary.

Sortant de son sac à main un stylographe, elle écrivit ce télégramme :

« Docteur Lamar, Sreat Street 216.

» Toujours impatiente d’avoir des nouvelles du Cercle Rouge ; je serais heureuse de savoir si vous avez pu retrouver mon pendentif.

 » Florence Travis. »


Elle remit la dépêche à la télégraphiste, paya et sortit.

Mary, qui avait lu par-dessus son épaule, était de plus en plus effarée :

— Passe encore que vous lui parliez de votre pendentif. Mais pourquoi, ma chère Flossie, confiez-vous à la poste des phrases aussi compromettantes que la première ? Pourquoi parler ainsi du Cercle Rouge ?

Florence sourit.

— Cela ne pourrait être compromettant pour moi que vis-à-vis du docteur Lamar. Or, je t’ai déjà dit, ma bonne Mary, que je suis la collaboratrice de ce dernier. N’est-il pas naturel que je m’intéresse à une œuvre qui nous est commune ?

— Pourtant, j’ai peur que tout cela ne finisse mal.

— Écoute Mary, dit Florence avec gravité, as-tu remarqué que chaque fois que je suis sous l’influence du Cercle Rouge j’entreprends toujours une bonne action ? Seuls les moyens sont parfois répréhensibles. Le but, lui, est toujours excellent

Et précisant sa pensée :

— Donc, de deux choses l’une : ou le docteur Lamar découvre le mystère dont je m’enveloppe, et dans ce cas, en toute conscience, que pourra-t-il me reprocher ? Ou bien, il ignorera toujours mon secret, et alors, grâce à cette énergie nouvelle qui est en moi et qui sera dirigée par lui vers le bien, je pourrai lui être utile dans les enquêtes qu’il aura à poursuivre. Et je t’avoue que cette seconde perspective, puisque je ne saurais espérer mieux, m’enchanterait. Je serais si heureuse d’être utile au docteur Lamar.

Mary, toujours sombre, ne répondit rien.

— Va, rentre à la maison, ma bonne amie, et dis à maman que je ne déjeunerai pas. Ce que j’ai pris ce matin me suffit. Je vais vers la mer demander à l’immensité bleue de la joie pour mes yeux et du calme pour mon cœur.

Et Florence, quittant sa gouvernante, s’éloigna vers les rochers en songeant :

— Recevra-t-il mon télégramme ? Où est-il ? Que fait-il maintenant ?