Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/187

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mandat d’amener et présumé coupable, il préféra ne pas se laisser appréhender.

Évidemment, son innocence serait maintenant démontrée. Mais il valait mieux que les démarches pour aboutir à ce résultat fussent faites par lui-même en pleine possession de sa liberté, et surtout après qu’il eût détruit le fatal reçu.

Ces réflexions eurent la durée d’un éclair.

Sautant en bas de la voiture, dont le chauffeur venait de mettre le moteur en marche, il monta sur le siège, empoigna le volant, débraya vivement, et, comme le policier arrivait pour le saisir, il fit démarrer brusquement l’auto.

Le détective et le chauffeur furent renversés, sans éprouver d’ailleurs aucun mal.

Ils se relevèrent aussitôt, mais la voiture était déjà loin.

Gordon fit le tour du parc, en prenant des allées de traverse, pour déjouer toute tentative de poursuite.

Il revint ainsi presque au point de départ. Avisant alors un espace désert, il stoppa, sauta hors de la voiture, qu’il abandonna, et gagna à pied la sortie.

Il était temps. Le policeman et le chauffeur, ayant erré au hasard, arrivaient deux minutes après. Ils se jetèrent aussitôt dans la voiture et reprirent leur course à travers le parc, avec le très faible espoir de remettre la main sur le fugitif.

Celui-ci, qui marchait très vite, gagna l’un des faubourgs de la ville. C’était un assez misérable quartier, presque entièrement composé de baraques en bois. Dans une cour extérieure, un homme préparait un feu de vieilles planches, sous une marmite suspendue à un trépied.

Gordon l’observa quelques instants. L’homme s’éloigna, allant sans doute chercher quelque ustensile.

Le feu flambait joyeusement.

Gordon tira de sa poche le fameux reçu que Florence lui avait remis.

Il jeta le papier dans la flamme crépitante, qui le dévora en quelques instants.

Et Gordon s’en fut, en marche vers l’œuvre commencée de sa réhabilitation.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En quittant les bureaux de Silas Farwell, Max Lamar résolut de se rendre immédiatement à Blanc-Castel.

Son esprit était agité, comme on l’a vu, par les soupçons les plus terribles et les plus justifiés.

Toutes les hypothèses maintenant, ainsi que tous les raisonnements, tendaient impitoyablement vers la même conclusion :

Florence Travis était la mystérieuse femme que marquait le Cercle Rouge.

Comment en douter, surtout après les deux événements capitaux survenus coup sur coup durant cette journée, et que corroboraient encore les incidents de la falaise de Surfton, lorsque Gordon avait fui ?

Florence, certitude irréfutable, était entrée seule dans le bureau de Max pendant son absence. Son secrétaire lui-même l’y avait introduite. Personne d’autre qu’elle n’y avait pénétré…

Oui, mais le secrétaire s’était absenté quelques instants. Florence ne pouvait-elle pas être partie pendant ce laps de temps ? Et alors la femme au Cercle Rouge n’aurait-elle pas pu survenir ?…

Explication invraisemblable. Max Lamar le comprenait lui-même !…