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Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/199

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rais que c’est Max Lamar… En tout cas, on perquisitionne.

Il entr’ouvrit à peine la porte, espérant se glisser au dehors sans être vu. Mais il la referma brusquement en retenant une exclamation de stupeur et de rage.

Il venait d’apercevoir le seul homme qu’il eût jamais redouté, celui qu’il croyait avoir fait périr : Max Lamar.

— Lui… c’est lui ! Vivant ! Je ne l’ai pas tué !

Il courut vers la lucarne, pensant peut-être pouvoir descendre le long du mur dans le jardin.

Son espoir fut déçu. La muraille était absolument lisse. Pas un chéneau, pas une corniche, rien qui pût permettre de s’accrocher et de risquer la descente.

Et, juste au-dessous de lui, la grande marquise vitrée de la porte d’entrée mettait un danger de plus.

Il revint vers la porte de la mansarde. Il retint son souffle et écouta.

Max Lamar voulait entrer dans la petite pièce, mais Florence, qui se sentait perdue et cherchait à retarder l’instant fatal, lui fit remarquer qu’ils avaient négligé de fermer en bas la porte donnant dans la galerie. Ils redescendirent. Comme ils arrivaient à cette porte, un pas retentit dans la galerie. Max Lamar y passa, suivi de Florence. C’était Mary qui arrivait. La gouvernante, ayant laissé Mme Travis au salon, se hâtait pour secourir Florence, qu’elle sentait en danger.

Pendant que le docteur redescendait, Sam Smiling entr’ouvrit de nouveau le battant, se glissa au dehors comme un chat, descendit l’escalier, et poussa la porte donnant dans la galerie. Il vit Lamar qui lui tournait le dos. Le bandit, faisant impérieusement signe à Florence, qui le regardait, les yeux agrandis par l’horreur, de ne pas bouger et de garder le silence, se glissa vers le médecin légiste en brandissant son couteau. Une seconde de plus, c’en était fait de Max Lamar.

Mais Florence, prompte comme l’éclair, s’élança et poussa de côté le docteur à l’instant même où la terrible lame allait le frapper.

Max Lamar, d’un bond, avait fait face à son antagoniste.

Les deux hommes se trouvaient de nouveau en présence, et, sans un mot, ils se ruèrent l’un sur l’autre et s’empoignèrent.

Un corps à corps terrible se produisit alors.

Malgré son âge, Sam Smiling était doué d’une vigueur athlétique. Bien que ses fatigues et ses privations l’eussent légèrement affaibli, il se défendait avec succès contre Max Lamar. Celui-ci, rompu à tous les sports, avait appris la lutte scientifiquement et connaissait les secrets du jiu-jitsu, mais il les employait en vain.

Rien n’avait prise sur Sam Smiling, qui, arc-bouté sur ses jambes robustes, semblait rivé au sol. Sa poitrine puissante ahanait comme un soufflet de forge et, dans des efforts herculéens, plusieurs fois il souleva de terre Max Lamar, plus léger que lui, et faillit le terrasser. Mais son adversaire, souple, robuste et adroit, sut à chaque reprise échapper à cette étreinte, qui semblait devoir lui briser les reins.

Du salon, où elle se tenait, Mme Travis entendit le tumulte de la lutte et, dominant son effroi, elle quitta sa retraite et monta, en tremblant, l’escalier. Elle craignait qu’il ne fût arrivé quelque chose à sa fille, et son amour maternel l’emportait sur sa terreur.

Elle suivit le couloir et arriva dans la galerie au moment le plus tragique du combat.