Aller au contenu

Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Une clameur d’approbation s’éleva de la foule des ouvriers :

— Vive Florence Travis ! À bas Silas Farwell !

Watson, brandissant son chapeau, s’écria :

— Eh bien, suivez-moi.

Il prit la tête de la colonne, et tous les manifestants se dirigèrent vers le centre de la ville.

Silas Farwell, qui se trouvait au bureau du chef de police, apprit cette explosion de mécontentement de ses ouvriers.

Il monta dans une auto et se dirigea à toute vitesse vers l’usine pour mettre à l’abri ses livres de caisse, ses papiers et son argent, et pour prendre des précautions contre le pillage qu’il redoutait.

Mais le hasard lui fut contraire. La voiture tomba précisément sur la colonne des manifestants qui s’avançait compacte et menaçante.

Les ouvriers l’ayant reconnu entourèrent l’automobile en proférant des imprécations auxquelles Farwell répondit par des injures.

Watson monta sur le marchepied et saisit Farwell à la gorge, tandis que le chauffeur était jeté à bas de son siège.

— Laissez-moi, criait Farwell, dont l’arrogance avait soudain fait place à la terreur. Lâchez-moi ! Que me voulez-vous ? De l’argent ? Soit. Mais laissez-moi libre, je vais en chercher.

— C’est maintenant, c’est tout de suite qu’il faut s’exécuter, dit Watson, qui le secouait sans pitié.

D’autres mains menaçantes s’abattirent sur Silas et le tirèrent de la voiture brutalement. Il se vit en danger. Dans un effort désespéré, il tenta de se dégager. Sa cravate resta entre les mains de Watson. Une manche de son veston fut arrachée, mais, repoussant ses agresseurs et profitant d’un passage libre, il prit la fuite à toutes jambes.

Derrière lui, ses ouvriers, dont la colère, longtemps contenue, éclatait enfin, se lancèrent, ainsi qu’une meute en chasse.

Farwell courait comme un homme qui a peur pour sa peau. Vers quel refuge ? Il l’ignorait. Il fuyait, voilà tout, ne songeant qu’à distancer ces hommes, dont, à force d’injustice, il s’était fait des ennemis acharnés.

Tout à coup, il vit, devant lui, se dresser l’immeuble que son club occupait. C’était le salut.

Tandis que des policemen, accourus en hâte, cherchaient à refouler les manifestants, grossis d’une foule de spectateurs, Silas Farwell gravit avec une rapidité folle le perron du club que les agents barrèrent aussitôt.

Sans s’arrêter, il monta dans les salons du club et, haletant, les yeux hagards, les vêtements déchirés, il s’abattit dans un fauteuil que lui approchèrent quelques membres du club, accourus pour voir ce qui se passait.

Tout ce vacarme était parvenu aux oreilles de l’avocat Gordon, qui, dans le petit salon, réfléchissait à sa situation et au meilleur moyen à prendre pour se dis-