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Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/97

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dire que j’ai eu peur assez de fois quand je voyais venir sur sa main ce satané Cercle Rouge… Je savais que ça voulait dire qu’il allait y avoir de la casse, voyez-vous !

— Eh bien, Sam, le fameux Cercle Rouge qui marquait, au moment de ses crises, la main de Jim Barden n’a pas disparu avec lui.

Sam eut un mouvement de surprise.

— Qu’est-ce que vous me dites-là, monsieur ?

— Je vous dis la vérité. Depuis la mort de Jim Barden, le Cercle Rouge a été vu plusieurs fois. Je l’ai vu moi-même.

— Sur la main de qui, monsieur ? dit Smiling qui, depuis un instant, suivait avec attention les mouvements de Max Lamar.

— Sur la main d’une femme que je ne connais pas et que je n’ai pu rejoindre, mais qui est une voleuse. Et ce qui m’embarrasse le plus, c’est que le Cercle Rouge a été vu également sur la main d’un homme, ce qui complique singulièrement le problème, acheva Lamar pensif.

— Laissez donc ça, monsieur, vous allez vous salir ! s’écria tout à coup Smiling.

Max Lamar n’entendit pas. Plongé dans ses réflexions, il s’était machinalement emparé d’un vieux soulier posé devant lui. Il le tenait par les lacets et le balançait sans prendre garde à ce qu’il faisait.

Dans les yeux de Sam parut une expression inquiète qui devint menaçante. Le soulier avec lequel jouait Max Lamar était précisément celui dont le talon truqué recelait la broche en diamants.

— Vous comprenez, Sam, continuait Max Lamar, il me semble absolument impossible que ce stigmate extraordinaire apparaisse sur une autre main que sur celle d’un des descendants de la famille Barden.

— En effet, dit le cordonnier d’une voix sourde.

Ses regards suivaient les gestes de Max Lamar.

Celui-ci maintenant ne tenait plus le soulier par les lacets, mais à pleines mains et, toujours distrait, il le tournait et le retournait.

Une lueur de meurtre alluma d’un feu sinistre les yeux de Sam Smiling. Tout doucement, derrière le dos du médecin, il passa son bras droit et saisit son marteau de cordonnier, arme terrible dans sa main d’hercule.

— Donc, il existe encore des représentants de la famille Barden et là se trouve la clef du problème, poursuivit Lamar tout au mystère qui le passionnait.

Il resta un moment silencieux et reprit :

— Enfin, Sam, vous devez savoir si Jim Barden a eu d’autres enfants que Bob, ce garçon qui est mort en même temps que lui ?

— Ma foi, monsieur, je n’en sais rien. Ce qui est sûr, c’est que Jim, de son vivant, ne m’en a jamais dit un mot… C’est vrai qu’il n’était pas communicatif…

Sam Smiling parlait lentement, et lentement aussi, en même temps, il élevait le bras armé du marteau. Au-dessus de la tête de Lamar incliné en avant, il suspendit l’arme terrible et attendit… prêt à frapper…

Lamar tenait toujours le soulier de sa main droite, et maintenant il tapotait le creux de sa main gauche avec le talon où était caché le bijou qui, n’étant plus enveloppé d’ouate, devait remuer dans son alvéole de cuir.

Max Lamar perçut sans doute ce mouvement insolite et, au milieu de sa préoccupation, un étonnement encore indécis s’ébaucha, car il arrêta son geste et regarda le talon de la chaussure.