Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/99

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Il ne pouvait s’empêcher d’éprouver un sentiment de détresse en songeant qu’il ne verrait pas la jeune fille pendant quelque temps, mais il essaya de prendre un air indifférent, dont Florence, d’ailleurs, ne fut pas dupe.

— Oui, nous allons à Surfton, où nous avons une villa. Et il faut même que je me sauve. Je veux arriver de bonne heure. J’ai hâte de voir la mer… Et puis, ce soir, il y a au Grand-Hôtel un bal auquel je ne veux pas manquer d’assister, vous comprenez ! Et il faut le temps de défaire une malle et de choisir une robe, dit Florence en riant. Voulez-vous me reconduire jusqu’à l’auto, docteur Lamar ? Ma mère sera charmée de vous serrer la main…

» Au revoir, Sam ! ajouta-t-elle, je suis contente de vous avoir vu en bonne santé…

— Au revoir, mademoiselle, et encore bien des remerciements pour toutes vos bontés. Je ne les oublierai jamais, voyez-vous, dit Sam, d’un ton pénétré.

Florence, en compagnie de Max Lamar, sortit de la cordonnerie et regagna l’auto où Mme Travis et Mary étaient assises. La vieille dame accueillit avec la plus grande amabilité le jeune médecin, mais la gouvernante, en voyant celui-ci, qu’elle redoutait tant, survenir avec la jeune fille, ne put réprimer un mouvement de surprise et son visage exprima une vive inquiétude.

— Au revoir, docteur, dit Florence, en remontant en voiture. Nous comptons absolument vous voir à Surfton dès que vous serez libre… Vous n’oublierez pas ?

Max Lamar s’inclina, comblé de joie par l’invitation. L’auto se mit en marche et bientôt disparut au loin.

Alors, sans plus penser à Sam Smiling ni au Cercle Rouge, le jeune homme, dominé par un sentiment qui, chaque jour, bien qu’il s’en défendît, tenait plus de place dans son cœur, s’en alla à pas lents vers le centre de la ville.

Le premier mouvement de Sam Smiling, quand il se vit seul dans sa boutique, fut de s’emparer du soulier qui avait failli le trahir et de le faire disparaître dans un des cartons du casier, car il craignait que Max Lamar ne revînt. Puis il resta immobile, plongé dans des réflexions qui communiquaient à son visage une expression de sinistre astuce.

— Le Cercle Rouge qui reparaît, se dit-il enfin à mi-voix… Voyons… voyons… cela doit pouvoir nous servir… Ah ! mais oui ! C’est cela ! J’y suis !…

Il eut un petit ricanement de satisfaction. Le plan qu’il venait de former lui semblait particulièrement heureux. À travers un angle non dépoli d’une des vitres de sa porte, il avait vu s’éloigner Lamar. Il jeta un coup d’œil au dehors et constata que Tom avait repris son poste d’observation. Smiling, alors, donna un tour de clef à la porte de la boutique. Il alla ensuite au meuble à étagères, en fit jouer le ressort, passa dans la pièce dissimulée et referma derrière lui, avec grand soin, la porte secrète.

Il se trouvait dans un réduit de faibles dimensions et entièrement privé de meubles. Les murs étaient nus, sauf dans l’un des angles, où se trouvait accroché un immense calendrier réclame, grossièrement enluminé. Sam fit basculer en avant le calendrier, qui était fixé sur une planche for-