Page:Leblanc - Le Chapelet rouge, paru dans Le Grand Écho du Nord, 1937.djvu/54

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dit M. Rousselain. Mais j’affirme que les événements se sont passés comme si vous aviez tué.

Et il prononça, toujours logique, pondéré, poli, presque cordial dans ses déductions impitoyables :

« Monsieur, hier soir, Mme d’Orsacq est apparue sur le haut de cet escalier, au seuil de son boudoir, à l’instant où tout le monde se disposait à sortir, et on l’a retrouvée, une heure et demie plus tard, morte. Or, personne n’a pu pénétrer auprès d’elle par les autres portes puisqu’on les a trouvées fermées au verrou, tandis que celle-ci, en haut le l’escalier, est restée sans verrou durant cette heure et demie, puisque toutes les personnes qui étaient dans cette pièce ont pu entrer à la suite de M. d’Orsacq et de M. Boisgenêt. Qui donc aurait pu frapper Mme d’Orsacq, sinon celui qui a passé dans cette pièce pour y prendre le paquet de titres ?

— C’est-à-dire moi ?

— C’est-à-dire vous.

— Monsieur le Juge, j’avais une raison précise pour venir ici. Je n’en avais aucune pour pénétrer dans l’appartement de Mme d’Orsacq.

— Vous en aviez une extrêmement grave, au point que votre passage ici ne pouvait aboutir à aucun résultat s’il n’avait coïncidé avec un passage dans l’appartement de Mme d’Orsacq.

— Et cette raison ?

— Cette raison, c’était de prendre la clef du coffre là où elle était cachée.

— La clef du coffre ?

— Dame ! pour ouvrir le coffre, il vous fallait une clef. Or, vous en aviez une, puisqu’on l’a ramassée sous cette fenêtre.

— J’en avais une, en effet.

— Comment était-elle venue en votre possession ?

Bernard parut hésiter. Le juge insista :

« Répondez donc, monsieur. Comment cette clef du coffre était elle en votre possession ? »

Bernard hocha la tête : « Je ne puis le dire. »

— Alors, c’est moi qui vais vous le dire.

Et M. Rousselain articula :

« Au cours d’investigations qui viennent d’être effectuées, sur mon ordre, dans l’appartement de la victime, on a remarqué, dans la salle de bains, une armoire dont la porte, contrairement à l’habitude, était franchement ouverte. On a fouillé cette armoire, laquelle contenait des médicaments dont s’était servie Mme d’Orsacq, et qu’elle conservait, bien qu’elle ne s’en servît plus. Or, certaines de ces fioles, de ces flacons à moitié remplis ou vides étaient renversés, comme si on avait précipitamment cherché quelque chose tout au fond d’un des rayons. Et là, on a recueilli une étiquette usée et salie avec cette inscription à peine lisible : « Clef du coffre-fort ». La ficelle qui tenait l’étiquette avait été récemment — je dis récemment — coupée en deux à l’aide de ciseaux qui se trouvaient d’ordinaire sur la coiffeuse et que l’on a trouvés sur le même rayon. Voici l’étiquette avec son bout de ficelle, et voici la clef du coffre-fort utilisée par vous. On y voit l’autre bout, fraîchement coupé, de la ficelle. »

Le visage de Bernard se creusait. Il murmura :

« Et vous en concluez, monsieur le Juge ?

— Mon Dieu ! c’est très simple, dit M. Rousselain. J’en conclus que cette clef, jadis oubliée dans un endroit qui n’était jamais rangé, comme le prouve la poussière des flacons, que cette clef, dis-je, dont M. et Mme d’Orsacq ignoraient l’existence, était connue tout au moins de quelqu’un qui, pour ouvrir le coffre,