Page:Leblanc - Le Chapelet rouge, paru dans Le Grand Écho du Nord, 1937.djvu/17

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Elle fut sur le point d’appeler. Mais qui ? Crier au secours ? Quel scandale ! Et puis, en vérité, c’était enfantin de sa part, et, comme le disait Jean d’Orsacq, elle n’avait rien à craindre à cette heure et en ce lieu. Justement, le radeau revenait. Courant sur la berge, elle dit à Léonie : « Je monte avec vous… ce doit être amusant là-dedans. »

Dès que ce fut possible, elle monta. Mais Jean d’Orsacq monta également, et aussitôt le radeau s’enfonça de manière assez sensible. On allait passer sous le pont. Ils durent tous se coucher. Léonie poussait des cris d’effroi.

« On coule ! on coule… je le sens bien… tenez, voilà l’eau qui nous atteint. »

Son mari, d’un coup de perche, fit aborder sur la rive du château, à la minute même où Boisgenêt débouchait du massif de fleurs.

« Donnez-moi la main, Boisgenêt, demanda Christiane. Je ne tiens pas à me mouiller les pieds.

Mais Boisgenêt s’y prit d’une façon si maladroite que ce fut lui qui pataugea quelques secondes dans la vase.

Exaspéré, il jura : « Mais c’est fou ! Voyons ! Vous m’avez fait perdre l’équilibre. Eh bien ! me voilà dans un bel état. Crebleu de crebleu ! »

Il sautait d’un pied sur l’autre comme un pantin que l’on agite. Les nerfs tendus, Christiane fut prise d’un fou rire qui la courbait en deux, et Jean, qui était près d’elle, lui disait à voix basse : « Que vous êtes délicieuse ! C’est si bon de vous entendre rire. Vous ne riez pas assez dans la vie. Pourtant vous êtes gaie… »

Un nuage creva soudain. On vit s’enfuir vers le château un groupe de domestiques qui, pour assister au spectacle, s’étaient massés sur la gauche, à l’endroit où commençait la pergola.