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Page:Leblanc - Le Prince de Jéricho, paru dans Le Journal, 1929.djvu/44

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— Parle, dit Ellen-Rock à l’Italienne.

— Non ! répliqua-t-elle, avec une révolte brusque, non ! Tout ce que j’ai fait jusqu’ici, c’est contre mon gré… Je ne veux plus vous obéir… Laissez-moi.

Il lui frappa sur l’épaule, à petits coups.

— Écoute-moi bien, Pasquarella. Le soir où nous avons causé dans le cabaret de Cannes, tu ne te défiais pas de moi et tu n’as pas nié tes relations avec la bande de Jéricho. Je t’ai interrogée depuis, je t’ai contrainte à d’autres aveux d’où il résultait que tu avais vu ici, il y a deux ans, un M. Manolsen, et précisément à l’époque où Jéricho joua dans ta vie un rôle plus ou moins important. Ce sont ces aveux que tu m’as promis de compléter dès que nous serions arrivés dans ton pays. Nous y sommes, Pasquarella. La fille de M. Manolsen est en face de toi. C’est le moment de tenir ta promesse. Raconte ce que tu sais.

Il répéta plus doucement :

— Raconte, Pasquarella. Tu n’as aucun piège à redouter de moi. Quand tu nous auras dit ce que tu sais et que je connaîtrai l’exacte vérité, tu peux être certaine que je n’agirai qu’en ta faveur et en faveur de ta famille. Raconte, Pasquarella.

Nathalie lisait sur le visage de la jeune Italienne l’effet produit par la voix d’Ellen-Rock. Les traits se détendaient. La bouche perdait son pli mauvais. Qu’elle le voulût ou non, elle s’abandonnait à la volupté d’obéir, et l’on voyait que ce récit, qu’elle refusait de toutes ses forces de faire, elle le ferait avec une sorte d’ivresse inconsciente. Et Nathalie avait la même impression qu’elle éprouvait en face d’elle-même lorsqu’elle sentait se fondre et s’évanouir ses résolutions.

L’Italienne murmura :

— Il y a deux ans, je n’avais jamais quitté le village de Castelserano, où ma mère était venue s’installer après la mort de mon père, fonctionnaire italien. Nous étions deux sœurs, mon aînée Lætitia, et moi. Nous avions toutes trois, pour vivre, une petite rente, et ma mère, pour nous élever, faisait des travaux de dentelle. Elle nous adorait, ma sœur aînée surtout qui était, qui est encore merveilleusement belle. Vous la verrez peut-être tout à l’heure, ma pauvre Lætitia, et vous compren-