Page:Leblanc - Le Prince de Jéricho, paru dans Le Journal, 1929.djvu/83

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— Je ne crois pas, dit Pasquarella.

— Mais il ne pouvait pas s’en servir avec les gens qui n’étaient pas ses complices ?

— En effet. Il se faisait appeler M. Leprince. Et, à ce propos, je me rappelle que, selon Boniface, c’était un vrai prince, et que Jéricho le lui avait avoué, disant qu’il était de vieille noblesse et qu’autrefois il habitait un château en Bretagne. Mais, en réalité, il n’était question, entre Boniface et Ludovic, que des remords de Boniface. Il ne peut se pardonner le meurtre de Jéricho. Jéricho est resté pour lui quelque chose d’extraordinaire, qui le courbe encore sous sa domination. Il le vénère et il en a peur. Il aperçoit son fantôme partout, la nuit, et même en plein jour, un fantôme affreux, dont il entend les malédictions et qui vient se venger de lui en l’assommant à son tour.

— Tu inventes, Pasquarella, tu imagines…

— Non, je vous le jure.

— Alors, ils l’ont vraiment assommé ?

— Oui.

— Et attaché sur une épave ?

— Oui.

— Et abandonné en pleine mer ?

— Oui.

— Mais la date ? s’écria Ellen-Rock, de plus en plus surexcité. Tu n’as pas dit la date…

— Cinq semaines après la mort de M. Manolsen.

— Cinq semaines ? Donc, vers la fin de juin ?

— Exactement le 30.

— Le 30 juin, reprit Ellen-Rock.

Il se tut. En lui-même, il calculait. Le 30 juin… et c’était le 6 juillet qu’on l’avait recueilli à la pointe d’Antibes… sept jours après… Les sept jours qu’une épave peut mettre pour flotter des côtes de Sicile aux côtes de France…

Ellen-Rock s’accouda sur ses genoux, les poings contre les tempes. Nathalie eut horreur soudain de la lumière trop violente qui tombait sur eux et, vivement, éteignit trois ampoules… Une seule lampe resta, voilée d’un abat-jour.

Maxime, impressionné, voulut rompre le silence et dit :

— Au fond, tout cela est assez obscur et ne mérite pas qu’on s’y ar-