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LA COLOMBE APPRIVOISÉE

Le grand salon, le petit salon, étaient éclairés. Par l’enfilade des portes, grandes ouvertes, on voyait là-bas, dans le cabinet de travail, éclairé lui aussi et en grand désordre, un individu à genoux qui examinait le coffre-fort.

— Tu vois, Dominique, tu vois ! Il a du culot !

Son revolver à la main, Patrice, sans bruit, courut jusqu’à son cabinet de travail et saisit par la nuque l’homme, qui se retourna avec un juron étouffé.

Ce n’était pas Delbot. C’était… cette lourde carrure, ces cheveux blonds roux, ces yeux impudents, c’était…

— Vous ne me reconnaissez pas, patron ? railla l’homme qui ne paraissait pas éprouver la moindre crainte.

— Qui es-tu ? Réponds vite, sinon !…

— Pas de menaces. Vous n’y gagneriez pas. Alors quoi, faut que je me présente ?… sans blague ? Madame sait bien qui je suis, elle, elle me connaît bien.

— Moi, je vous connais ? balbutia Dominique.

— Mais oui, voyons !… Julot ! le vrai Julot ! Pas l’empoté qui s’est fait pincer dans la forêt de Marly. Le Julot numéro un. Le seul, l’authentique, celui du Gazon Bleu, celui de madame.

Il eut un rire ignoble.

Patrice avait saisi sur la cheminée un lourd vase de bronze qui manié par une main vigoureuse, pouvait être une terrible massue.

— Laisse-moi faire, lui dit avec décision Dominique en l’écartant.

Courant jusqu’au bureau de Patrice, elle y avait pris le revolver déposé par lui et, revenue, braquant l’arme sur le bandit :

— Assez de mensonges et d’insultes, misérable ! Sinon, je t’abats…

Son visage exprimait une résolution farouche, implacable. Et l’on pouvait deviner dans toute son attitude ce qu’elle aurait eu de joie à supprimer l’ignoble individu.

Lui, il s’était mis debout, en face du ménage. Inquiet, il recula d’un pas et plaisanta, le sourire faux :

— Vrai, vous me faites rigoler, tous les deux. Du scandale