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IV

L’enquête sur la pelouse

L’Auberge du Gazon Bleu est située au milieu des bois, à quelque distance de la route qui va du charmant château de la Muette, évocateur de tant de souvenirs historiques, jusqu’à l’arche de pierre par où l’on sort de la forêt, dans la direction de Maisons-Laffitte.

Autrefois, c’était une maison de garde. Le sieur Félix Dorlodoux, en quittant, après avoir fait sa pelote, comme il le disait lui-même dans les moments d’expansion, les hautes fonctions qu’il remplissait auprès d’un ministre en qualité de maître-queux, obtint du Domaine, grâce à ses puissantes relations, de transformer en guinguette la vieille construction. Il aménagea des tonnelles discrètes, un jardin ombreux, favorable aux rendez-vous galants et clandestins, une pelouse entourée de gradins, propice aux fêtes équivoques que la police selon les heures, prohibe ou tolère, et tout de suite réussit. Du premier coup, une clientèle appartenant à un monde spécial adopta le Gazon Bleu, et ce fut le succès. L’établissement, aux mois d’été, ne désemplissait pas ; fêtards de toutes sortes, boxeurs noirs ou blancs, en rupture d’entraînement, aviateurs qui venaient là entre deux vols, habitués des hippodromes, gens « du milieu », éphèbes et messieurs mûrs, femmes jeunes ou moins jeunes et de toutes les catégories, s’y réunissaient, s’y coudoyaient, attirés par divers motifs, attirés surtout par la danse et par les numéros pittoresques, — d’un pittoresque très libre — , qui se