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LES DOUZE BOUTEILLES

Patrice le reconduisit jusqu’à la porte et lui serra cordialement la main.

Puis, il rentra dans son cabinet et devant sa table, dans son fauteuil, il s’effondra, couvert de sueur, tremblant des pieds à la tête.

Une porte s’ouvrit sans bruit. Patrice se retourna, une main se posait sur son épaule.

Dominique était là debout près de lui.

— J’étais dans la pièce voisine, Patrice, lui dit-elle avec l’accent d’intimité d’autrefois. J’ai tout entendu. Ce fut dur, mais tu as dit ce qu’il fallait dire.

Il eut un brusque mouvement et protesta :

— Si j’avais dit et fait ce qu’il fallait, je lui aurais, à l’exposé de ses premiers soupçons, imposé silence, je l’aurais jeté à la porte. C’était le meilleur moyen pour qu’il croie à mon innocence. Si maladroit qu’il eût été en se présentant ici et en m’interrogeant sans posséder la moindre preuve, il nous tient, Dominique, le hasard ou la chance a fait que j’ai pensé à ce panier de champagne et que je l’ai remplacé. Cela m’a permis de parer à l’attaque d’aujourd’hui, sans cela j’étais perdu, mais d’autres attaques viendront. Julot arrêté, nous serons perdus. Delbot nous tient, je te dis.

Il s’interrompit, les yeux fixés devant lui.

La main de Dominique sur son épaule eut une pression caressante, réconfortante.

— Non, Patrice, cet homme ne nous tient pas si nous restons unis. Vois-tu, nous devons nous défendre, je le comprends, et l’heure en est venue. Il n’y a pas que Patrice et Dominique, et le drame affreux où se débat leur amour. Il y a le ménage Martyl et toutes les embûches et tous les dangers qui l’entourent. Sauvons au moins notre façade sociale, sauvons notre dignité, sauvons notre nom. Luttons sans faiblesse. Nous sommes seuls à nous secourir. À qui demander assistance en dehors de nous-mêmes ? Oui, j’ai bien pensé au prêtre qui pourrait m’absoudre, me guider… Toi, sans doute, tu as pensé à quelque confrère éminent à qui tu pourrais demander conseil, au bâtonnier, sans doute, qui est intègre, éclairé, humain. Non, Patrice. Ne demandons rien à personne, notre secret est à nous, gardons-le entre nous. Richard et Antoine