Aller au contenu

Page:Leblanc - Le rayon B, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LE RAYON B
605

quand la convalescence arriva, et qu’elle eût repris toute sa conscience, ce fut un sujet dont nous évitâmes de parler pendant quelques temps.

— Oh ! fit-elle, ce serait terrible de me dire cela et de ne pas me mettre maintenant en face d’une certitude.

— Connais-tu l’écriture de Massignac ?

Je sortis de ma poche une lettre que je lui tendis.

— Lis, ma chérie. C’est une lettre que Massignac m’a écrite, et qu’il m’a donnée au moment de mourir. Je n’en ai lu d’abord que les premiers mots et je me suis mis aussitôt à te rechercher. Lis-la, Bérangère, et ne doute pas, c’est le témoignage d’un homme qui est mort.

Elle prit le papier, et elle lut, à haute voix :

Bérangère connaît la formule, et ne doit la communiquer qu’à vous seul, Victorien. Vous l’épouserez, n’est-ce pas ? Elle n’est pas ma fille, mais la fille de Noël Dorgeroux. Elle est née cinq mois après mon mariage, comme vous pourrez vous en assurer par les actes de l’état-civil. Pardonnez-moi tous les deux, et priez pour moi.

Un long silence suivit. Bérangère pleurait de joie. Sa vie s’éclairait. Le poids effroyable qui la tenait courbée sous la honte et le désespoir ne pesait plus sur ses épaules. Elle pouvait enfin respirer, et tenir la tête haute, et regarder droit devant elle, et prendre sa part de bonheur et d’amour. Elle chuchota :

— Est-ce possible ! la fille de Noël Dorgeroux… Est-ce possible !

— C’est possible et c’est certain. Depuis sa lutte affreuse avec Velmot, et depuis les soins que tu lui avais donnés, après l’avoir sauvé, Massignac se repentait. Pensant au jour où il succomberait, il a voulu racheter en partie ses crimes, et il a écrit cette lettre… qui, évidemment, n’a aucune valeur au