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mieux établie. Mais il n’avait pas de force.

Pourtant l’étranger s’approcha de lui et prononça doucement :

— Ne vous fatiguez pas, mon capitaine. Tout va bien. Tenez, il faut boire.

L’étranger lui présenta alors un des deux verres, que Patrice vida d’un trait, sans défiance, et il fut heureux de voir que Coralie buvait de même.

— Oui, tout va bien, dit-il. Mon Dieu ! comme c’est bon de vivre ! Coralie est bien vivante, n’est-ce pas ?

Il n’entendit pas la réponse et s’endormit d’un sommeil bienfaisant.

Lorsqu’il se réveilla, la crise était finie, bien qu’il éprouvât encore quelques bourdonnements dans le cerveau et du mal à respirer jusqu’au bout de son souffle. Cependant, il se leva, et il comprit que toutes ses sensations avaient été exactes, qu’il se trouvait à l’entrée du pavillon, que Coralie avait vidé le deuxième verre d’eau et qu’elle dormait paisiblement. Et il répéta, à haute voix :

— Comme c’est bon de vivre !

Il voulait agir cependant, mais il n’osa pas pénétrer dans le pavillon, malgré les portes ouvertes. Il s’en éloigna, côtoya le cloître réservé aux tombes, puis — et sans but précis, car il ne savait pas encore la raison de ses actes, ne comprenait absolument rien à ce qui lui arrivait, et marchait au hasard — il revint vers le pavillon, sur l’autre façade, celle qui dominait le jardin, et, tout à coup, s’arrêta.

À quelques mètres en avant de la façade, au pied d’un arbre qui bordait le sentier oblique, un homme était renversé sur une chaise-longue en osier, la tête à l’ombre, les jambes au soleil. Il semblait assoupi. Un livre était entr’ouvert sur ses genoux.