Aller au contenu

Page:Leblanc - Les Confidences d’Arsène Lupin.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et, comme elle s’éloignait également, il la retint par un pli de sa robe.

« Non… non… il faut m’expliquer d’abord… Pourquoi m’avez-vous sauvé ? C’est à l’insu de votre tante que vous êtes revenue ? Mais pourquoi m’avez-vous sauvé ? Par pitié ?

Elle se taisait, et, le buste droit, la tête un peu renversée, elle conservait son air énigmatique et dur. Pourtant il crut voir que le dessin de sa bouche offrait moins de cruauté que d’amertume. Ses yeux, ses beaux yeux noirs, révélaient de la mélancolie. Et Lupin, sans comprendre encore, avait l’intuition confuse de ce qui se passait en elle. Il lui saisit la main. Elle le repoussa, en un sursaut de révolte où il sentait de la haine, presque de la répulsion. Et comme il insistait, elle s’écria :

« Mais laissez-moi !… laissez-moi !… vous ne savez donc pas que je vous exècre ? »

Ils se regardèrent un moment, Lupin déconcerté, elle frémissante et pleine de trouble, son pâle visage tout coloré d’une rougeur insolite. Il lui dit doucement.

« Si vous m’exécrez, il fallait me laisser mourir… C’était facile. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

— Pourquoi ? Pourquoi ? Est-ce que je sais ?… »

Sa figure se contractait. Vivement, elle la cacha dans ses deux mains, et il vit deux larmes qui coulaient entre ses doigts.

Très ému, il fut sur le point de lui dire des mots affectueux, comme à une petite fille qu’on veut consoler, et de lui donner de bons conseils, et de la sauver à son tour, de l’arracher à la vie mauvaise qu’elle menait.