Page:Leblanc - Les Confidences d’Arsène Lupin.djvu/67

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Il passa la tête avec précaution, puis, à ma grande surprise, entra franchement. Mais, ayant suivi son exemple, je pus constater que, à dix mètres en arrière du mur, un massif de lauriers élevait comme un rideau qui nous permettait d’avancer sans être vus.

Lupin se posta au milieu du massif. Je m’approchai et, ainsi que lui, j’écartai les branches d’un arbuste. Le spectacle qui s’offrit alors à mes yeux était si imprévu, que je ne pus retenir une exclamation, tandis que, de son côté, Lupin jurait entre ses dents :

« Crebleu ! celle-là est drôle ! »

Nous avions devant nous, dans l’espace restreint qui s’étendait entre les deux maisons sans fenêtres, le même décor que représentait le vieux tableau acheté par moi chez un brocanteur !

Le même décor ! Au fond, contre un second mur, la même rotonde grecque offrait sa colonnade légère. Au centre, les mêmes bancs de pierre dominaient un cercle de quatre marches qui descendaient vers un bassin aux dalles moisies. Sur la gauche, le même puits dressait son toit de fer ouvragé, et tout près, le même cadran solaire montrait la flèche de son style et sa table de marbre.

Le même décor ! Et ce qui ajoutait à l’étrangeté du spectacle, c’était le souvenir, obsédant pour Lupin et pour moi, de cette date du 15 avril inscrite à l’angle du tableau ! Et c’était l’idée que précisément ce jour-là, nous étions le 15 avril, et que seize à dix-huit personnes, si différentes d’âge, de condition et de manières, avaient choisi le 15 avril pour se rassembler en ce coin perdu de Paris.