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Malgré son empire sur lui-même, il s’effrayait après coup. Connaissant les effets redoutables du poison employé par les bandits auxquels il s’attaquait, ayant vu le cadavre de l’inspecteur Vérot, les cadavres d’Hippolyte Fauville et de son fils, il savait que, si entraîné qu’il fût à supporter des doses relativement considérables de poison, il n’aurait pu échapper à l’action foudroyante de celui-là. Celui-là ne pardonnait pas. Celui-là tuait, sûrement, fatalement.

La jeune fille se taisait. Il ordonna :

— Mais répondez donc ! Vous êtes certaine ?

— Non… c’est une idée que j’ai eue… un pressentiment… certaines coïncidences…

On eût dit qu’elle regrettait ses paroles et qu’elle cherchait à les rattraper.

— Voyons, voyons, s’écria-t-il, je veux pourtant savoir… Vous n’êtes pas certaine que l’eau de cette carafe soit empoisonnée ?

— Non… il se peut…

— Cependant, tout à l’heure…

— J’avais cru en effet… mais non…

— Il est facile de s’en assurer, dit Perenna qui voulut prendre la carafe.

Elle fut plus vive que lui, la saisit et la cassa d’un coup sur la table.

— Qu’est-ce que vous faites ? dit-il exaspéré.

— Je m’étais trompée. Par conséquent, il est inutile d’attacher de l’importance…

Rapidement don Luis sortit de la salle à manger. D’après ses ordres, l’eau qu’il buvait provenait d’un filtre placé dans une arrière-office, à l’extrémité du couloir qui menait de la salle aux cuisines, et plus loin que les cuisines.

Il y courut et prit sur une planchette un bol où il versa de l’eau du filtre. Puis, continuant de suivre le couloir, qui bifurquait à cet endroit pour aboutir à la cour, il appela Mirza, la petite chienne. Elle jouait à côté de l’écurie.

— Tiens, dit-il en lui présentant le bol.

La petite chienne se mit à boire. Mais